REGARDE-MOI
Le regard d’Orphée porte en lui la mort d’Eurydice et cette mort construit un être de chant et de poésie.
Quelle voix pouvons-nous lui offrir au 21ème siècle ?
Le « chantre de Thrace » a eu le courage de descendre aux enfers pour réclamer aux dieux son amour. Il en est remonté, l’a perdue une seconde fois mais jamais n’a cessé de chanter.
Il chante l’amour, une poésie essentielle à nos vies, un acte intense de résilience.
Aujourd’hui Eurydice fait entendre sa voix. Elle couvre celle du poète, celui que l’on chante depuis l’antiquité. C’est la voix d’une femme consciente du chemin qui court devant elle. Elle doit choisir, suivra-t-elle celui qui est venu la chercher et ainsi perpétuer une domination du masculin sur le féminin ? ou le poussera-t-elle à se retourner ?
S’approprier le mythe
Orphée jeune poète de Thrace
épouse Eurydice.
Elle meurt le jour de leurs noces.
Orphée descend aux enfers,
convainc les Dieux de la lui rendre.
Les amants pourront regagner
le monde des vivants,
mais leur regard ne doit pas se croiser
avant d’avoir quitté les Enfers.
Ils étaient tout près d’aborder la surface de la terre.
Orphée craignit qu’Eurydice ne l’abandonnât et,
avide de la voir, amoureux, il tourna les yeux.
Aussitôt elle tomba en arrière,
tendant les bras, luttant pour être saisie et pour le saisir,
mais la malheureuse n’attrape que l’air qui se dérobe.
Et, mourant à nouveau,
elle ne reprocha rien à son époux
– de quoi d’ailleurs se serait-elle plainte,
sinon d’avoir été aimée ?
Ovide, Les métamorphoses Chant 10, 60